Figures du CAUE - Georges Bescher,  une présidence tournée vers la sensibilisation

Figures du CAUE - Georges Bescher, une présidence tournée vers la sensibilisation

24/06/2025

Nous terminons ce mois-ci nos portraits de figures du CAUE, dont le témoignage jalonne quarante-cinq ans d’histoire de notre association. Pour clore ces portraits, nous avons demandé à Georges Bescher, président du CAUE entre 2001 et 2015, de nous relater les plus de vingt ans de compagnonnage avec notre structure.

Comme de nombreuses personnes, Georges Bescher a rencontré le CAUE en devenant élu local : « J’ai entendu parler du CAUE au début des années 1990. J’ai été élu 1er adjoint à l’urbanisme de la commune de La Terrasse en 1989 et j’ai été amené à travailler dès ce moment-là avec le CAUE ». Et comme beaucoup d’élus locaux, Georges Bescher est entré en politique presque par hasard : « Je n’avais aucune ambition politique, j’était plutôt engagé dans le mouvement syndical, et passionné par mon travail. J’étais ingénieur au LETI, un laboratoire du CEA de Grenoble, et je travaillais sur les prémisses de l’intelligence artificielle appliquée à la robotique. Il se trouve que j’étais ami avec des élus, dans ma commune de La Terrasse. Ils sont venus me chercher à l’occasion d’une élection municipale partielle en 1988, suite à laquelle je suis devenu simple conseiller municipal ».

Cette commune du Grésivaudan, Georges Bescher n’en était pas natif. « Je dis souvent que je suis né deux fois dans ma vie. Une première fois en Mayenne, mais une deuxième fois lorsque j’ai terminé mon service militaire en 1962 à Chambéry et Bourg-Saint-Maurice. J’y ai alors découvert la montagne, le ski, et la femme qui allait devenir mon épouse. Et je n’ai jamais voulu quitter la région ensuite ». C’est en trouvant du travail à Grenoble que, comme de nombreux actifs de leur génération, Georges Bescher et son épouse vont devenir des péri-urbains : « Je suis fils de paysan, la ville me convient, mais la terre m’a toujours un peu manqué. Avec mon épouse, nous cherchions au milieu des années 1970 un endroit où construire notre maison, et nos moyens ont fait que nous avons dû aller jusqu’à La Terrasse pour le réaliser. C’était une commune assez accessible à l’époque ».

En entrant dans le conseil municipal de La Terrasse, Georges Bescher allait débuter une carrière politique de plus de vingt-cinq ans : « Mon caractère fait que quand je m’investis dans quelque chose, j’y vais à fond, et donc je suis devenu par la suite rapidement 1er adjoint, dès de nouvelles élections municipales en 1989 ». Il allait rapidement, mais toujours par hasard, être confronté aux enjeux d’aménagement du territoire : « Suite à cette nouvelle élection, on m’a confié la délégation de l’urbanisme, car je n’étais pas issu des familles historiques de la commune, je n’y habitais que depuis une dizaine d’années. Et l’urbanisme, c’est un motif de pressions locales. Je n’étais pas du pays, j’y avais peu de réseau, j’étais donc peu sujet aux pressions. Et moi, ça m’intéressait l’aménagement du territoire ».

Son investissement vaut à Georges Bescher d’être rapidement repéré. En 1994, on lui propose d’être candidat aux élections cantonales. « Le canton n’était pas de ma couleur politique, mais contre toutes attentes, y compris de moi-même, j’ai été élu conseiller général du canton du Touvet. Après, les choses se sont un peu enchaînées. Pour les élections municipales de 1995, mon entourage m’a incité à être tête de liste, vu que je siégeais au Conseil général. A cette époque, les deux mandats semblaient aller de pair. Avec mon équipe, nous avons gagné et j’ai réalisé deux mandats de maire jusqu’en 2008 ».

Cette expérience de maire lui fait ressentir un peu plus les enjeux liés à l’urbanisme : « Ce qu’il y a de singulier dans l’urbanisme, c’est la confrontation à des intérêts paradoxaux. Je voyais par exemple les mêmes agriculteurs qui voulaient rendre des terrains constructibles, revendiquer par ailleurs qu’on protège les terres agricoles de la commune ‘’parce qu’il nous faut vivre’’. Et en tant que maire, on vit ce paradoxe quotidiennement ».

C’est à l’occasion de son mandat de conseiller général que Georges Bescher entame une relation privilégiée avec le CAUE : « A partir de 1994 et des élections cantonales, j’ai intégré le conseil d’administration du CAUE, en représentant l’opposition au Conseil général, puisque l’opposition détient par tradition toujours un siège parmi les six élus nommés par le Département au sein du CA. J’ai fait le choix de devenir administrateur, car l’aménagement du territoire m’intéressait énormément, après tout un mandat à être adjoint à l’urbanisme. Le Président du CAUE était alors Yves Touraine. Et j’ai découvert durant ces six ans l’action du CAUE, et tout particulièrement la consultance architecturale qui prenait de plus en plus d’ampleur. Le CAUE de l’Isère était l’un des premiers en France à confier la mission de la consultance à des architectes libéraux maîtres d’oeuvre ».

En 2001, cette relation change de nature : « Suite à de nouvelles élections cantonales, la majorité au Conseil général change de couleur. Et je deviens assez naturellement Président du CAUE, puisque j’avais passé un mandat à en être administrateur ». Cette fonction est alliée à d’autres responsabilités complémentaires : « Je deviens également Vice-Président du Conseil général, chargé de l'action foncière et de l’habitat. J’ai toujours été très sensible aux questions de logement, en ayant conscience que l’Isère était un territoire où les besoins étaient forts, mais qu’il fallait préserver nos espaces naturels et agricoles. La question de la densification ne m’apparaissait déjà pas comme un gros mot ».

En ayant une bonne connaissance de l’association, Georges Bescher emmène rapidement le conseil d’administration vers les actions qui lui semblent stratégiques : «  L’un de mes premiers soucis au CAUE a été de poursuivre le développement du réseau de la consultance architecturale, en essayant de couvrir tous les cantons du département. Par ailleurs, en lien avec les enjeux du logement, j’ai eu rapidement la volonté de faire du CAUE un acteur encore plus tourné vers la sensibilisation. Construire en préservant notre cadre de vie, nos espaces agricoles et naturels, cela ne s’improvise pas. Surtout quand pendant plusieurs décennies on a pris certaines habitudes. La sensibilisation doit faire en sorte que l’ensemble des acteurs de la chaîne de la construction évoluent dans leurs pratiques ».

Par ailleurs, dans sa commune, Georges Bescher veillera à solliciter régulièrement le CAUE : « Nous avions à La Terrasse, dès que j’ai été élu, un architecte-conseiller du CAUE. La municipalité avait besoin d’une personne qui transmettent aux pétitionnaires sa vision de l’avenir de la commune, et l’aide, de cette manière, à organiser l’urbanisation. Le CAUE nous a accompagné également pour des projets d’ampleur. Nous avons lancé l’urbanisation d’un lotissement communal de 87 logements ce qui était considérable pour la commune. Mais le CAUE nous a conseillé sur la rédaction d’un cahier des charges très clair, intégrant une trentaine de logements sociaux, mais aussi de l’accession abordable. Et encore aujourd’hui, il y a une mixité sociale dans ce lotissement qui apporte beaucoup à la commune. Si à l’époque j’ai défendu cette approche, réussi à apporter des arguments devant le conseil municipal, c’est parce que j’avais beaucoup appris du CAUE, où je siégeais depuis 1994 » .

Dans l’optique d’amplifier les actions de sensibilisation, Georges Bescher a initié durant ses quatorze ans à la présidence du CAUE de nombreux déplacements en dehors de notre département : « A mon initiative, soutenu par le directeur et le Conseil d’Administration, le CAUE a organisé beaucoup de voyages d’études pour voir comment l’aménagement pouvait être mené ailleurs. L’idée était d’aller dans des endroits où les projets pouvaient nous parler, comme des opération de densification ou de construction de petits collectifs très vivables : en France, en Allemagne, en Autriche... J’avais notamment été très impressionné par un voyage d’études que nous avions organisé à Rennes. J’ai découvert qu’on pouvait anticiper l’aménagement d’un secteur de 20 000 nouveaux habitants, en menant comme première action la construction d’une ligne de tram. Et ensuite urbaniser une bande de 400 m² de chaque côté de la ligne, en intégrant des cheminements doux qui rejoignent les arrêts de tram. Cet effort de densification et de maillage de transports publics menait de fait à ce qu’il y ait beaucoup moins de voitures. Moi qui avait connu l’urbanisation relativement anarchique de la vallée du Grésivaudan, ça m’avait saisi ! ».

Ce sont surtout les différents voyages d’étude organisés en Autriche qui l’ont durablement marqués : « Nous avons visité plusieurs fois le Voralberg, où le sujet majeur était le bois. Durant ma présidence, le CAUE a beaucoup travaillé sur la promotion du bois. Ça a été l’occasion de montrer à des élus isérois qu’on pouvait parfaitement utiliser le bois, et notamment le bois isérois, dans les constructions contemporaines. Lors du premier voyage, dans le bus du retour, j’ai dit aux élus présents, sous forme de boutade : ‘’On va lancer le complot du Voralberg !’’, c’est-à-dire qu’on allait tenter d’expérimenter de manière informelle dans nos territoires les exemples qui nous avaient été présentés. Et j’ai le sentiment que ça a permis de lancer localement une filière bois, d’autant que des architectes et des entrepreneurs étaient aussi du voyage ».

Georges Bescher poursuit : « Suite à ce voyage dans le Voralberg, j’ai voulu développer cette approche de ‘’logements passifs’’ dans ma commune, que pour ma part j’avais découvert. J’ai donc travaillé avec le CAUE, l’AGEDEN, et un bailleur social, Pluralis, pour bâtir en 2007 une petite opération de huit logement sociaux à haute performance énergétique, ‘’La petite Chartreuse’’, en ossature bois, sur un terrain où se trouvait à l’origine une maison individuelle. Et ce qui est drôle, c’est que cette opération est située sur les hauts de La Terrasse, juste devant la Chartreuse, avec une vue extraordinaire sur la chaine de Belledonne. Un jour on m’a dit : ‘’Tu fais les choses à l’envers. Dans une logique d’urbanisation, quand on est sur un territoire incliné, on met les logements sociaux en bas et l’accession libre, ce qui peut se vendre cher, en haut’’. J’ai été très heureux de ne pas me conformer à cette logique ! ».

S’il devait résumer le rôle d’un CAUE, suite à son expérience à la présidence de l’association, voici ce que dirait Georges Bescher : « Pour un moi un CAUE a comme caractéristique première d’inciter au débat. Chaque fois qu’il y a eu un projet d’urbanisation dans ma commune, j’ai organisé une réunion publique où le CAUE était présent. Ainsi, les riverains et les habitants intéressés dialoguaient avec un acteur neutre, de confiance. D’une certaine façon, lors des ces réunions publiques, le CAUE m’a été très ‘’utile’’ pour déminer les projets d’aménagement qui émergeaient. Ça obligeait le promoteur, ses architectes, les habitants, les élus, à se poser entre eux toutes les questions qui leur semblaient importantes, que chacun exprime ses enjeux ou attentes. Et personne ne m’a jamais reproché d’organiser ces temps d’échanges ».

A la question que nous posons pour notre anniversaire concernant un paysage isérois qui lui est cher, notre ancien président répond: « S’il s’agit d’un paysage urbain, ça va vous surprendre, je parlerais de l’Isle-d’Abeau et de la Ville nouvelle. Pour moi c’est extraordinaire parce que c’est un endroit où on a travaillé la question de la densité des logements et la gestion des flux, même si lors de sa conception, dans les années 1970, ces flux portaient quasi uniquement sur les voitures individuelles, ce qui date forcément ce projet. Et sinon, bien évidemment, un paysage qui j’aime profondément c’est celui visible depuis ma commune où, tous les jours, on voit la chaine de Belledonne dans ses différentes couleurs, sous la neige ou verdoyante, avec la Chartreuse derrière soi. Voir la Chartreuse illuminée sous le soleil levant, c’est fabuleux ! ».

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