
Portrait d’élu(e) - Frédérique Luzet, maire de Saint-Victor-de-Morestel
23/09/2025
‘’En matière d’urbanisme, je ne vois pas mon rôle comme celui d’un shérif’’
En cette fin de mandat municipal, le CAUE a fait le choix de retrouver des élus qu’il a eu l’occasion d’épauler ces dernières années. D’ici les élections de mars 2026, vous trouverez chaque mois dans notre newsletter une interview d’un ou d’une élue iséroise racontant cette collaboration, l’occasion de rendre compte des enjeux auxquels les élus locaux sont confrontés concernant les projet d’aménagement.
Pour ce premier portrait, nous avons retrouvé Frédérique Luzet, maire de la commune de Saint-Victor-de-Morestel.
Frédérique Luzet a derrière elle près de deux mandats complets en tant que première édile de son village : « Je suis devenue maire en cours de mandat en 2016, suite à la démission du maire auprès de qui j’étais adjointe. J’avais été élue pour la première fois en 2008, en commençant de manière assez classique par être conseillère municipale ».
Loin d’avoir vécu cette entrée dans le conseil municipal de sa commune comme un sacrifice, elle détaille : « J’ai rejoint l’équipe municipale avec une vraie envie. Je suis native de Saint-Victor, j’ai toujours été très engagée dans le milieu associatif de mon territoire. Je dis souvent d’ailleurs que la première action politique, elle se retrouve dans le milieu associatif. Mon mandat d’élue n’a finalement été que la suite logique de cette envie de faire action collective. Je venais de retourner vivre dans la commune en faisant construire une maison, donc je savais que j’allais vivre ici pour de bon. Je connaissais bien le maire de l’époque, et ça faisait un moment qu’il me disait ‘’le prochain mandat, il faudrait que tu intègres le conseil’’. Donc les choses se sont faites un peu naturellement ».
La maîtrise des questions d’aménagement et d’urbanisme ne faisaient pas nécessairement partie des compétences initiales de Frédérique Luzet, mais ses différents mandats l’ont progressivement armé : « Dès mon premier mandat, j’ai intégré la commission qui suivait l’élaboration de notre premier PLU, approuvé en 2014. A partir de 2014, nous avons fait le choix par ailleurs de créer une commission urbanisme, afin de ne pas laisser la responsabilité des autorisations à une seule personne. Lors de la commission, il y a obligatoirement trois personnes qui analysent les demandes, dont évidemment moi en tant que maire, puisque j’engage ma signature lors des autorisations ou des refus. Suivre toutes les demandes, c’est très formateur ».
La rencontre entre Frédérique Luzet et le CAUE s’est d’ailleurs faite en lien avec des enjeux de formation : « J’ai entendu pour la première fois parler du CAUE lorsque des formations qu’il organisait nous ont été proposées, et j’en ai suivi quelques-unes, notamment sur le paysage et la densification douce, ce qui était très précieux ».
Ce premier contact avec le CAUE lui a permis de découvrir les actions de sensibilisation de l’association, et son rôle de médiateur : « Lors de ces temps-là, ce que je trouve toujours précieux, c’est le fait de rencontrer d’autres élus. Le CAUE a la possibilité de créer ces moments-là, et pour nous c’est hyper intéressant. Et même quand nous rencontrons nos collègues, en conseil communautaire par exemple, nous sommes, nous élus, tellement la tête dans le guidon de nos dossiers, qu’échanger sur les questions fondamentales qu’impliquent les enjeux d’aménagement, ça passe à la trappe ».
Les liens entre Saint-Victor-de-Morestel et le CAUE se sont par la suite intensifiés : « Alors qu’avec mon équipe municipale nous réfléchissions à engager la révision de notre PLU, en 2021, nous avons appris que le CAUE pouvait nous accompagner dans la définition de nos enjeux et le recrutement de notre futur bureau d’études. C’est à ce moment-là qu’une collaboration plus directe entre le CAUE et la commune a eu lieu. C’était un sujet très important, parce que le PLU implique de très nombreux aspects de la vie de la commune ».
Satisfaite de cette collaboration, la commune sollicite à nouveau le CAUE en 2022 : « nous avions besoin de nous poser les bonnes questions concernant la réhabilitation profonde de notre salle des fêtes et de notre école maternelle. Nous voulions avoir tous les éléments en tête pour savoir quelles démarches engager, comment prendre en compte les espaces publics attenants, les liens à renforcer entre les autres équipements publics de notre centre-village ». Ce second accompagnement a permis, dans le sillage de la révision du PLU, de nourrir la feuille de route des élus pour plusieurs années : « Finalement, le CAUE a été à nos côtés pour nos deux gros projets du mandat ».
Décrivant quelle a été selon elle la plus-value d’un accompagnement du CAUE, Frédérique Luzet déclare : « Pour moi, ce qu’apporte de significatif le CAUE, c’est son regard extérieur. Quand on est élu, même si on essaie parfois de prendre de la hauteur sur les grands dossiers, on reste quand même très concentré sur le quotidien de notre commune. Notre salle des fêtes par exemple, je la connais depuis toujours. Je l’ai utilisée en tant qu’habitante, pour des évènements familiaux, également en tant que présidente d’une association qui en était bénéficiaire, puis d’élue qui en est gestionnaire. Et donc spontanément, avec mes collègues, il s’agissait d’un bâtiment dont on avait du mal à penser une évolution profonde. On l’aimait comme elle était, et en même temps on se rendait compte qu’elle devait changer. Quand le CAUE est intervenu pour mener un diagnostic partagé avec l’AGEDEN, le rendu nous a permis de déceler à quel point le bâtiment nécessitait une profonde restructuration. Il ne faut pas croire que le fait d’être élu nous donne automatiquement des compétences ».
Elle poursuit : « Au-delà de ce regard professionnel, il y a l’appui du CAUE pour la rédaction des pièces des marchés publics, qui est un travail colossal. Heureusement qu’il est présent pour aider les communes sur cet aspect, parce que sinon de notre côté je ne sais pas quels cahiers des charges nous aurions rédigé ! Probablement des documents très sommaires en tout cas, que nous aurions récupérés en partie d’une commune voisine, et in fine ça n’aurait pas été très efficient ».
Frédérique Luzet souligne par ailleurs la dimension très soutenante de l’accompagnement du CAUE : « Je trouve aussi précieux le cadre que le CAUE nous apporte. Quand, lors d’un accompagnement, il signale aux élus membres du comité de pilotage qu’il est temps de trancher certaines questions, d’enclencher une nouvelle phase de la réflexion, c’est un moyen pour nous, équipe municipale, d’avancer clairement et concrètement dans nos projets, de ne pas nous disperser. ». Résumant cet aspect, elle indique : « Pour moi, lors des phases clé de nos grands projets de ce mandat, le CAUE a été comme un membre supplémentaire du Conseil municipal ».
Comme beaucoup d’élus locaux, Frédérique Luzet lie la qualité du cadre de vie de sa commune à celle du vivre-ensemble : « A Saint-Victor, pour moi ce qui me touche, c’est d’être confrontée au beau. On a une chance folle, c’est ce panorama extraordinaire sur le Bugey et les Alpes, nous jouxtons les berges du Rhône, nous avons des étangs et des forêts. J’ai ce bonheur de souvent me dire que je n’ai pas besoin de partir en vacances en vivant là. Ce cadre de vie couplé à la richesse de notre vie associative, je pense que ça concourt au fait qu’on se sente bien ici ».
Le maire conserve un rôle clé dans les politiques locales d’aménagement, que ce soit lors de l’élaboration des documents de planification, et ensuite pendant de la délivrance des autorisations d’urbanisme. Frédérique Luzet a dû ainsi apprivoiser cet aspect de la fonction : « Ce qui me rend le plus heureuse dans mon rôle de maire, c’est de sentir que je concours à une action collective dans mon village. Je n’ai jamais vu mon rôle comme celui d’un shérif. D’ailleurs, ce qui me dérange le plus dans mon rôle de maire, c’est quand il faut être un peu gardien de la loi. Je comprends ce rôle-là, mais ce n’est pas celui que je préfère. Celui que je préfère, c’est celui qui porte attention aux administrés, par exemple en montant un CCAS élargi ou en soutenant les associations ».
C’est donc avec cette posture qu’elle et son équipe municipale gèrent au quotidien ces questions : « Concernant l’urbanisme, je sais que certains de mes collègues maires ont tendance à dresser facilement des procès-verbaux. Avec mon équipe, nous essayons de toujours aller à la négociation quand il y a un litige, et jusqu’à maintenant ça a toujours marché ».
La commission urbanisme est l’institution-clé : « Nous réunissons la commission toutes les trois semaines. Si les permis de construire sont instruits techniquement par la communauté de communes, nous les analysons également, et nous regardons surtout les déclarations de travaux (DP) et les demandes de certificat d’urbanisme (CU) ».
La question de l’échange individuel avec les pétitionnaires lui parait essentiel : « : Je ne refuse jamais une DP sans avoir eu au préalable le pétitionnaire au téléphone. Il est hors de question que la personne reçoive le refus par écrit, ne le comprenne pas et se braque. Les gens ont besoin de comprendre ce qui leur tombe dessus. L’urbanisme est clairement un domaine où la réglementation tombe sur les gens. C’est une réglementation qui a du sens, mais il faut que nous, élus, soyons en mesure de l’expliquer, sinon, cela génère de l’incompréhension et la tension auprès de nos administrés ».
Rapportant un exemple concret, elle raconte : « Je me souviens de personnes qui voulaient faire construire une piscine au milieu d’une zone classée agricole, parce que la parcelle de leur propriété était immense, et donc pas entièrement constructible. C’est vrai qu’on a la chance ici de vivre dans un cadre rural et préservé, avec des vues paysagères exceptionnelles. J’ai reçu les personnes, et elles me disaient ‘’mais nous sommes chez nous’’. En discutant avec elles, j’ai pu leur dire que oui, elles étaient chez elles, mais que pour des questions de réglementation, leur piscine devait être plus proche de leur maison, et que c’était une réglementation qui permettait aussi de préserver le cadre de vie du village, les rapports de bon voisinage ».
La contrepartie de cette posture d’écoute repose sur un investissement important des élus : « Avec mes collègues, nous regardons aussi beaucoup ce qui se fait sur la commune en matière d’aménagement. Il m’arrive d’inviter des gens en mairie quand je vois que des choses peu ou pas règlementaires surviennent. Quand des personnes me disent ‘’regardez, là-bas ce qu’a fait le voisin, c’est moche’’, je leur dis ‘’oui, c’est moche, mais faisons en sorte justement d’améliorer les choses’’. Avec la discussion, on arrive très souvent à dénouer les situations complexes. Ça nous prend énormément de temps, mais je suis persuadée que ça nous en fait gagner par la suite. En fait, je me dis que je suis élue pour cela ».
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